Nikolaus franco-allemand, ACCA, Caen, Décembre 2018

La journée du « St. Nikolaus »

Es hat Spass gemacht! Ça nous a fait plaisir!

Merci à la team gaufres-cœur, aux bricoleuses d’étoiles colorées, aux petits et grands lutins, aux jeunes, aux anciens, aux musiciens, aux papas baby-sitters, aux sponsors et enfin à « Nicolas » himself.

das Herwaffelteam // la team gaufres coeur

« C’est quoi votre truc là, de la Saint Nicolas ? » Voici ce que me demandent des Français dubitatifs, ces derniers jours. Et bien, merci à vous pour votre intérêt.

Concrètement, nous avons proposé une journée Saint Nicolas. L’après-midi était un temps ouvert et familial avec du bricolage, des gaufres, des chants de noël allemands, l’arrivée de Nicolas pour les enfants et un temps de rencontre multiculturel, initié par de jeunes familles franco-allemandes qui vivent dans la région de Caen, ouvert et gratuit à  tous ceux qui étaient intéressés. Sauf les gaufres cœur vendues pour un Euro.  La soirée était dédiée au plus traditionnel repas de la Saint Nicolas, initié et partagé depuis longtemps par les membres de l’ACCA, association caennaise pour la connaissance de l’Allemagne. Elle fêtera ses 60 ans en 2019. Toute une histoire… !

Des photos sont visibles sur la jeune page Facebook @accacaen.

L’histoire de Nicolas

« Sankt Niklas war ein Seemann » (Freddy Quinn)
// « Saint Nicolas était un marin »
(Freddy Quinn, chanteur de variété autrichien)

Alors, en fait, en Allemagne, les enfants parlent juste du « Nikolaus » (Nicolas).

Sans le « Saint ». Il est bien connu par chez nous. Juste avec son prénom.
Depuis des siècles. Depuis qu’on est petit. Il passe toujours le 6 décembre. Il fallait sortir les bottes, la veille au soir pour retrouver ses bottes remplies de clémentines et pain d’épices le lendemain matin. 

Nicolas est « beaucoup beaucoup plus vieux que le père Noël » nous apprend ARTE (en Français ou en Allemand). Saviez-vous qu’il a été chassé par des Luthériens, tout comme d’autres saints avant lui? L’émission Karambolage nous explique bien comment le Saint Nicolas est devenu le Père Noël. En Français et en Allemand. Merci Arte. Voir et revoir. Suivez le(s) lien(s).[1]

On en parle chez nous, en Allemagne, comme on parle ailleurs de « Santa Lucia » ou bien de « Santa Claus » ou encore de « Santa » tout court.  

Dans tous les cas, on pourrait s’étonner que le « Saint » est bien souvent réduit à un personnage burlesque sacralisé au profit d’un gigantesque fabricant de soda américain qui a distribué et relooké « le Nicolas » en rouge et blanc

Vergängliches Eiskristall auf Stein aus dem 14. Jahrhundert //
Cristal de glace éphémère sur pierre du 14ème siècle.

Les couleurs de Nicolas

A l’époque, Nicolas était bien souvent accompagné du père fouettard qui punissait les enfants qui n’avaient pas été sages.

Aujourd’hui, on a supprimé le père fouettard qui faisait peur et on consomme coûte que coûte. « On y tient, à ces cadeaux… ». Le 6 décembre et rebelote le 24 ou le 25.

Vraiment ? Est-ce qu’on n’aurait pas un peu oublié le sens du mot « noël », par moment? En allemand, on dit « Weihnachten » les « nuits bénies ». A l’origine, dans le grand nord, dans les hivers recouverts de neige, on parlait encore des nuits rudes. « Rauhnächte ».[2] On amenait une véritable bûche pour le feu et on mangeait du « Julbrot » pour réchauffer le cœur et l’estomac. C’est tout. Aujourd’hui, il paraîtrait que chaque Allemand dépenserait environ 472 Euros pour des cadeaux de noël. Dans certaines parties du monde, cela permettrait de nourrir une famille entière pendant six mois. 29 Millions de sapins de noël, plus de 10 Millions d’oies de noël, rien qu’en Allemagne. N’aurions-nous pas un peu perdu « le Nord » ? [3]

Er darf rauchen. // il a le droit de fumer, lui.

On est nombreux, au fond, à chercher le sens dans un noël qui se résume, bien souvent, à une course effrénée à la consommation. Vide et creux comme le son d’une canette de soda rouge qui tombe au fond d’une poubelle noire.

Là, ça nous a fait plaisir de partager un moment « comme quand on était petits ».

Nous nous sommes brièvement demandé si on avait le droit de parler de Saints pour un évènement non religieux, dans un pays où le principe de laïcité règne en maître. Pour échapper à ce débat, on aurait peut-être pu l’appeler « Nikolausfeier » (fête de Nicolas).

En même temps, au vu de l’actualité et la récente démission de Nicolas Hulot, cela aurait pu porter à confusion. Et pourtant, nous n’en étions pas si éloignés.

Nicolas, en ce moment, est donc à la fois synonyme de démission, de réelle mission engagée et de lucidité face à l’urgence climatique. J’écris ton nom[4]. Nicolas.

Notre évènement était synchrone avec les marches pour le climat où l’on voyait beaucoup de vert. Certains de nos amis y étaient d’ailleurs. Et le débat était présent aussi chez nous. 

Le moment franco-allemand

Upcycling und Mülltrennung //
Surcyclage et tri des déchets

Tu sais que tu es dans un moment franco-allemand quand tu viens d’indiquer l’emplacement du sac jaune à une étudiante allemande au stand bricolage et qu’elle te rétorque : « Ok. Oui, là, je vois, c’est pour le plastique mais elle est où, la poubelle papier ? ». Tu as beau lui expliquer qu’ici, en France, c’est la même. Pour elle, ça a n’a aucun sens de ne pas faire le tri entre le papier et le plastique. Ici, le tri se fait plus tard, a priori. Après la collecte des déchets. Par des machines ou des personnes.

Et tu te reposes la question du sens. Retour au vert. Retour à la terre.

Pendant ce temps, les gilets jaunes marchaient sur Paris. Il pleuvait des cordes sur les ronds-points. Sur toute cette colère qui gronde et toutes ces revendications qui attendent tristement des réponses réelles qui pourraient venir « d’en haut ».


« Quelle image donne-t-on de la France à l’étranger ? » me demande une femme française qui nous avait trouvés par hasard. Elle évoque un clivage social, sociétal, la rupture du dialogue… Pourquoi ils ne se parlent pas ? Pourquoi, on ne les écoute pas ? 

L’image du drapeau européen me vient à l’esprit. Cette dualité. Les étoiles jaunes des pays sur fond de bleu roi élyséen. 

Je tente de l’imaginer en multicolore. 

Notre Nikolaus à nous est venu vêtu de bleu aujourd’hui. Pas un bleu roi. Plutôt une teinte « bout de ciel bleu clair après le déluge » .

conteur mythique //
der legendäre Erzähler

« J’ai beaucoup de tenues, et elles ont plein de couleurs », explique-t-il aux enfants. Tantôt en Français, tantôt en Allemand. Il parle d’autres langues aussi. L’Anglais fait partie de ses langues maternelles. Nicolas, il est multicolore. Il porte les couleurs de l’arc-en-ciel. 

Avec des baskets blanches assorties. Le jeune étudiant qui tenait ce rôle n’avait rien d’autre à se mettre aux pieds, m’a-t-il avoué, en off. Mais c’est raccord avec la barbe qui a fini par gratter un peu : Il a choisi le blanc.

Vous noterez aussi l’effet Gandalf le gris.[5] (voir photo).


contreplongée : l’effet Gandalf //
von unten : der Gandalfeffekt

Du point de vue des enfants la contre-plongée ça paraît magique et impressionnant. Ça donne des yeux d’enfants qui brillent et une lueur d’espoir à des parents pour l’avenir.

Pendant ce temps, dehors, on parle de 6ème extinction de masse chez nos amis, les animaux.  

Nikolaus a pris le temps de leur raconter son histoire. C’est un bon conteur !  Il raconte qu’il est un ami du « Christkind »[6] et qu’il n’a « rien à voir » avec le père Noël. Il prend le temps de répondre aux questions des enfants. Nikolaus, c’était le symbole du protecteur des enfants. Et aussi celui des marins, des boulangers, des bouchers et bien d’autres corps de métiers. Re-merci Arte. 

Et il donne des clémentines oranges aux enfants. C’est la coûtume.

L’avent et l’expatriation

unsere Geschichten // nos histoires

Voici le récit d’une maman franco-polonaise qui nous a trouvés via les réseaux sociaux. Son fils doit avoir quatre ou cinq ans. Il a déjà compris qu’il était différent. 

 « A l’école, ils se sont moqués de lui. Il avait reçu des cadeaux du Saint Nicolas, le matin. Ses copains, à l’école, ils lui ont tous dit que Saint Nicolas, ça n’existait pas. » 

Comment leur expliquer, à ces enfants que ce n’est pas parce que » tout le monde le dit » que c’est forcément la vérité ? Ou que ça ne l’est pas, d’ailleurs ? Qu’on leur expliquera plus tard ?

 » Est-ce que tu veux prendre une photo avec le Nikolaus pour montrer à tes copains à quoi il ressemble ? « 

Grand sourire muet. Hochement de tête. Étincelles dans des yeux clairs. Il serre fort son sac à clémentine, dans sa main, et sourit à sa mère qui le prend en photo avec Nicolas. 

Dans de nombreux pays, Nicolas fait actuellement son grand retour. Nikolaus, « la superstar parmi les Saints ». [7]

Son retour soulève des questions.

Je pense au garçon dans la classe de mon enfant qui ne fête pas Noël. Il est issu d’une culture musulmane. Il ne fête pas vraiment, noël, lui. Juste le réveillon du 24. Et il fête l’Aïd Al-Adha[8], la « grande fête », la fête du sacrifice, en plein mois d’août. Il en a parlé à l’école, brièvement.

Et si c’était, au fond, la même chose que l’on célèbre dans les différentes cultures, rites et religions du monde ? La victoire de la lumière sur les ténèbres et les « forces du mal » ? Est-ce que nos différentes traditions nous rassemblent ou nous divisent ?

Mauern, Sterne, Erinnerungen, Kinder.
Des murs, des étoiles, des souvenirs, des enfants.

Je pense à la petite fille qu’on regarde de travers parce qu’elle n’aime pas le chocolat. Elle s’en prend, des réflexions, depuis qu’elle est petite !  

Du coup, elle n’est pas retournée voir le père Noël rouge, cette année, dans son village. Vu qu’elle n’aime pas le chocolat et qu’elle n’aime pas faire la queue. Et qu’elle n’avait rien à lui dire. Elle n’y croit plus, d’ailleurs. En revanche, comme sa petite sœur y croit encore, elle, elle « fait des choses » pour le père noël. Pour sa petite sœur. Et quand elle les fait, comme un lutin, elle a « un peu l’impression qu’il existe encore ».  

Small talk und small walk
In welcher Sprache unterhalten sich die beiden denn? //
Et dans quelle langue ils se parlent, ces deux-là?
(Dialogue européen)

C’est aussi un peu ce qui se passe pour les adultes. Nous nous sommes réunis entre familles et amis franco-allemands et autres franco-internationaux pour partager quelque chose qui nous rapproche un peu les uns des autres et un peu de notre plus ou moins lointain chez nous. Et on célèbre un petit temps de partage, avant noël.

Chanter, rire, dessiner, bricoler, cuisiner dans sa (ses) langue(s) maternelle(s). Quelle(s) qu’elle(s) soi(en)t Simple. Décroissance. Décélération. 

C’était ouvert au public. Nous avons eu de la visite d’amis et d’inconnus de Pologne, des Caraïbes, « d’expats franco-allemands » rentrés des États-Unis.

A l’origine, le temps de « l’Avent » est important en Allemagne. Bien qu’il soit aujourd’hui très commercial et très surfait. Le premier dimanche de l’Avent, on se dit encore chez nous, ça y est ! J’ai fabriqué ma couronne et j’ai allumé la première bougie. C’est un réel plaisir pour certains lorsqu’ils trouvent la sérénité et le temps de le faire. L’histoire et la symbolique de la couronne sont aussi racontées par Karambolage.[9]

1. Advent

La prochaine fois, vous êtes les bienvenus. Poussez la porte. Venez donc discuter de tout ça autour d’une gaufre en forme de cœur. Et oui, ça nous fait plaisir de sortir un peu du cadre et de la forme de gaufre rectangulaire que l’on nous sert dans ces contrées. 

Parfois la forme a toute son importance dans la symbolique d’une culture collective. 

Herzwaffel und Eiskristall //
gaufre coeur et flocon de neige

Tschüss & auf Wiedersehen! Wir wünschen Allen ein gutes Jahr 2019!

Salut et au revoir ! Nous souhaitons à tous une belle année 2019!

Katrin für das ACCA-Team // Katrin pour l’équipe de l’ACCA


[1] Comment Saint-Nicolas est devenu le Père Noël, Karambolage, Arte. (version française) : https://www.youtube.com/watch?v=afALsrXA_2I 

Nikolaus Karambolage, (allemand) : https://www.youtube.com/watch?v=G46a1Rierpw

[2] Le mot : Weihnachten, Karambolage, Arte https://www.youtube.com/watch?v=yiAv3Blqljc

[3] DW Deutsch, Deutsche Welle, https://www.facebook.com/dw.german/videos/2322615437961754/

[4] « J’écris ton nom ». Vers extrait du poème « Liberté », Paul Éluard, Poésie et vérité, recueil clandestin, 1942. Au rendez-vous allemand, 1945, Les éditions de minuit.

 https://www.poetica.fr/poeme-279/liberte-paul-eluard/ «  Pendant la période de l’occupation allemande, Paul Éluard fait partie de la résistance. Il participe à la littérature clandestine à la tête du Comité national des écrivains zone Nord. Il continue à publier jusqu’à la libération en 1945. Son poème « Liberté » est parachuté à des milliers d’exemplaires au-dessus de la France occupée  par les avions anglais sous forme de tracts. »

[5] Personnage imaginaire, grand magicien, apparaissant notamment dans le Seigneur des anneaux de l’écrivain britannique J.R.R. Tolkien, https://fr.wikipedia.org/wiki/Gandalf

[6] cf. vidéo Comment Saint-Nicolas est devenu le Père Noël, Karambolage, Arte. (version française) : https://www.youtube.com/watch?v=afALsrXA_2I 

Nikolaus Karambolage, (allemand) : https://www.youtube.com/watch?v=G46a1Rierpw

[7] Nikolaus, der Superstar uner den Heiligen, Deutsche Welle,

https://www.dw.com/de/nikolaus-der-superstar-unter-den-heiligen/a-18895253?fbclid=IwAR3_CjzPWv99e4FLA6685Be1DdZzmr-1l7ahrX5LD1odnojbVUHxo67dsL0

[8] Aïd Al-Adha ou Aïd El-Kébir ou encore Tabaski ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Aïd_al-Adh

[9] L’histoire et la symbolique de la couronne de l’Avent, l’objet : l’ « Adventskranz » – Karambolage – ARTE : https://www.youtube.com/watch?v=RwjsnJRihXg